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Que sont les troubles du comportement alimentaire ?

Cet article définit les principaux troubles du comportement alimentaire (anorexie, boulimie...) et propose quelques clefs pour les accompagner.

Il existe 3 catégories de troubles des conduites alimentaires

Le DSM-5, célèbre classification américaine des troubles mentaux et psychiatriques, définit plusieurs troubles du comportement alimentaire. Ceux-ci peuvent-être rassemblés en 3 catégories.

Les troubles restrictifs ou l’anorexie mentale

L’expression désigne une restriction alimentaire excessive visant à éviter la prise de poids. Les personnes anorexiques ont une peur intense de grossir, au point que leur rapport au corps en est perturbé. Elles manifestent un refus de s’alimenter et ont parfois recours à des méthodes de compensation : après une prise alimentaire si légère soit-elle, elles peuvent se faire vomir ou prendre des laxatifs, ou encore développer une pratique extrême d’exercice physique.

Leur extrême maigreur entraîne le ralentissement des fonctions vitales (hypotension artérielle, baisse de la température, diminution du rythme cardiaque…). Si un faible indice de masse corporelle (IMC = poids en kg / taille x taille en m) peut signaler une anorexie, il convient de s’y référer avec prudence. « Toutes les morphologies sont différentes, et les normes de l’IMC ne rendent pas toujours compte de la diversité des situations », précise Marion Samama. À titre indicatif, on considère qu’une personne est en danger de dénutrition si son IMC est inférieur ou égal à 17.

De plus, il est important de différencier l’anorexie comme symptôme de l’anorexie mentale comme syndrome. Au sens strict, le terme d’anorexie désigne l’incapacité ou le refus de manger. Elle peut donc être le symptôme d’une autre problématique : une angine carabinée qui nous bloque la gorge ou un état dépressif qui entraîne une perte d’appétit. « L’alimentation renvoie à un besoin vital, souligne Marion, ainsi l’anorexie est toujours le signe d’un mal-être physique ou psychique, mais pas forcément un TCA en soi ».

L’anorexie mentale comme syndrome se reconnaît à ses 3 A : Amaigrissement, Anorexie et Aménorrhée (absence de règles) – en effet, 90 % des anorexiques sont des femmes. La mortalité des patientes est particulièrement élevée pour ce trouble, en raison de leur faiblesse cardiaque mais aussi des risques suicidaires associés à la souffrance psychique.

La boulimie et l’hyperphagie boulimique

La crise boulimique est une compulsion alimentaire : la personne ingère une quantité importante de nourriture sur un temps court. Elle doit être distinguée du grignotage qui consiste à avaler des aliments en petite quantité tout au long de la journée. Ce n’est pas le plaisir alimentaire qui est recherché, mais une sensation de rassasiement qui laisse vite place à un sentiment de honte et de culpabilité d’avoir autant mangé.

Les personnes boulimiques peuvent elles-aussi avoir recours à des stratégies de compensation. Dans ce cas, l’IMC est moins menacé, mais le danger sanitaire demeure : les vomissements diminuent le taux de potassium dans le sang, entraînant une carence qui peut affecter le rythme cardiaque. Ils génèrent des sucs acides qui attaquent les dents et peuvent provoquer leur chute.

Lorsque les crises ne sont pas contrebalancées par des comportements compensatoires, on parle d’hyperphagie boulimique. Cette pathologie génère un surpoids voire une obésité parfois morbide.

À titre indicatif, le DSM-5 propose de poser un diagnostic de boulimie lorsque les crises surviennent au moins 2 fois par semaine pendant 3 mois.

Les troubles des conduites alimentaires non spécifiés

Ils désignent les problématiques alimentaires qui ne répondent pas aux critères édictés par le DSM-5 pour les comportements anorexiques ou boulimiques.

On y retrouve par exemple l’orthorexie, soit une volonté de manger droit, dans un strict respect de l’équilibre diététique. Ce comportement se caractérise par un fonctionnement obsessionnel qui exclut tout plaisir et toute spontanéité alimentaire.

L’hyperphagie nocturne est un cas atypique d’hyperphagie. La nuit, l’individu se lève, poussé par une frénésie alimentaire, pour aller manger rapidement et en grande quantité. Il n’est pas toujours conscient au moment de la crise et peut se réveiller avec un souvenir confus de ce qu’il a consommé. Le diagnostic peut être posé lorsque cette conduite alimentaire se répète plus de 2 fois par semaine pendant au moins 6 mois.

La réalité des TCA est complexe et il est important de différencier syndrome et symptôme, cause et conséquence. Cela dit, une relation perturbée à la nourriture est souvent le signe d’un malaise qu’il peut être intéressant d’écouter.

Les jeunes filles sont les plus susceptibles de développer des troubles du comportement alimentaire

« 90 % des TCA commencent à l’adolescence », nous indique Marion Samama. Pour éviter que ces troubles ne se développent et ne s’enkystent à l’âge adulte, il faut donc être particulièrement  vigilant auprès de cette population. Exposées à de nombreuses injonctions physiques, les jeunes filles sont particulièrement à risque. Or, il existe dans leur comportement des indices pour repérer ces difficultés alimentaires.

Adolescence et dysmorphophobie

L’adolescence est une période de grande fragilité qui conjugue bouleversements physiques et enjeux de construction identitaire. « À la puberté, la rapidité des changements physiques ne laisse pas le temps au jeune de s’y préparer », poursuit Marion. Il éprouve souvent un sentiment d’étrangeté, celui de ne plus se reconnaître face au miroir. Dans certains cas, ce sentiment peut évoluer en dysmorphophobie, un trouble de la perception de l’image du corps. L’adolescent se perçoit autrement qu’il est en réalité, par exemple, beaucoup plus grand ou plus gros.

De plus, la puberté se manifeste souvent par une prise de poids qui s’accorde mal avec l’obsession de la minceur culturellement imposée aux jeunes filles. Celles-ci peuvent être tentées d’adopter des stratégies de contrôle pour rester maigres. « Il y a dans l’anorexie une certaine jouissance du pouvoir que l’on a sur son image », explique Marion. On parle du phénomène de « lune de miel » qui se produit au début de la restriction alimentaire.

La boulimie, quant à elle, traduit surtout un sentiment de mésestime et de honte vis-à-vis de son corps et de soi-même en général.

Les conseils d’une psychologue pour débusquer les troubles alimentaires chez l’adolescente

Les premiers signes de comportements alimentaires dangereux sont à chercher du côté de l’évitement : « des jeunes qui disent ne pas avoir faim, ou ont toujours mieux à faire que partager un repas, peuvent dissimuler un comportement à risque ».

Les tris alimentaires – je ne veux plus manger de ci, de ça – constituent les premières étapes de la mise en place des troubles restrictifs. Le port de vêtements larges pour camoufler le corps peut traduire un rapport douloureux à celui-ci, et/ou un état de maigreur déjà avancé.

De par son caractère caché, la boulimie est plus difficile à identifier. Les crises ont souvent lieu le soir ou la nuit, de manière ritualisée, et la personne fait tout pour en nettoyer les traces. Elle peut ainsi camoufler des emballages d’aliments, utiliser des chewing-gums à la menthe pour cacher l’odeur du vomi, disparaître après les repas, refuser de manger en votre présence… ce qui, paradoxalement, constitue autant de signes de troubles boulimiques.

Plusieurs stratégies thérapeutiques permettent d’accompagner ces troubles

Entre pouvoir et perte de contrôle, toute-puissance et culpabilité, les troubles du comportement alimentaire nécessitent des leviers thérapeutiques différents. Cependant, les stratégies d’accompagnement les plus efficientes ont en commun d’être très pratiques : « ces thérapies vont travailler sur l’acte alimentaire, les croyances et les émotions liées au fait de manger », résume Marion.

Les thérapies cognitives et comportementales saluées par l’OMS

Dans une démarche de soin, l’étude des causes du comportement est souvent peu pertinente. En réalité, l’origine des TCA dépend de nombreux facteurs et est aujourd’hui mal connue. « Pour la prise en charge des troubles alimentaires, l’Organisation Mondiale de la Santé considère que les thérapies les plus efficaces sont les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) ». Ces thérapies brèves sont celles proposées par Marion aux enfants et adolescents qu’elle reçoit dans son cabinet. Elles visent à remplacer des comportements inappropriés par des conduites plus adaptées, en tâchant de mieux comprendre et donc mieux appréhender les situations dans lesquels ils se manifestent.

Pour ce faire, le thérapeute et le patient travaillent sur les représentations de ce dernier. Il s’agit d’envisager différemment l’acte de manger. « Nos croyances ont une influence sur nos comportements », explique Marion. Une adolescente ne fera pas la même expérience de son repas si elle se dit Cette pizza va me faire prendre 4 kilos, que si elle pense C’est vraiment très agréable de partager ce moment convivial avec mes amis. Les émotions sont aussi mobilisées afin que l’acte alimentaire ne soit plus source d’angoisse mais de plaisir.

La pleine conscience contre les troubles du comportement alimentaire

La technique de la pleine conscience peut aider les patients dans cette démarche. Marion encourage cette attitude de présence vigilante à sa sensorialité. « Lorsque le patient mange, son attention au moment présent, aux émotions et aux sensations physiques générées lui permet de créer de nouvelles expériences en lien avec la nourriture. »

Il explore et redéfinit son rapport au goût, à la satiété. Cette méthode est particulièrement intéressante pour les personnes hyperphagiques par exemple. Faire un régime ne leur est d’aucune utilité et peut même se révéler dangereux : toute restriction sera aussitôt contrebalancée par une nouvelle crise. Ainsi, mieux vaut investir la nourriture en vivant de nouvelles expériences positives.

Grâce aux TCC et à la pleine conscience, les personnes anorexiques pourront elles aussi retrouver du plaisir à s’alimenter et renouer avec une image corporelle saine.

Les thérapies familiales systémiques

Les thérapies familiales systémiques peuvent aussi aider les personnes souffrant de troubles alimentaires et leurs familles. Elles impliquent les proches dans le processus thérapeutique et constituent un espace d’expression de leurs propres difficultés – « à condition que le travail soit fait sans culpabilisation des familles, ce qui n’a pas toujours été le cas » reconnaît Marion. Aujourd’hui, le travail en thérapie familiale vise à transmettre aux parents les clefs pour limiter les comportements dangereux et reprendre le contrôle sur l’alimentation de leur enfant.

Les troubles du comportement alimentaire sont des pathologies complexes dont la prise en charge est avant tout pragmatique. C’est dans cette approche qu’Epsilon Melia vous propose de vous former à l’accompagnement des TCA.

Marion Samama est psychologue clinicienne et thérapeute cognitivo-comportementale. Titulaire d’un D.I.U. Troubles du comportement alimentaire (Université Paris 5 – Paris-Descartes), elle est formatrice chez Epsilon Melia depuis 2021. Nous la remercions pour sa précieuse contribution à cet article.