Le père sous surveillance de l’État
Après la période révolutionnaire, la place du père est déterminée par le Code civil napoléonien (1804). L’État commence à contrôler la puissance paternelle, en faisant référence à la notion de devoirs du père. Les interventions de l’État ont pour objectif de réduire tout excès ou carence de la part du père. Cependant, la mère reste encore sous tutelle.
L’instauration de l’instruction obligatoire en 1882 réduit une nouvelle fois le pouvoir du père, qui doit désormais le partager avec l’enseignant.
En 1935, l’enfant peut désormais être placé en maison d’éducation surveillée en cas de carence paternelle.
De l’autorité paternelle à l’autorité parentale
La place des femmes dans la société va connaître un tournant majeur à partir des années 1970.
Depuis la loi du 4 juin 1970, « l’autorité parentale appartient désormais aux deux parents pour protéger l’enfant dans sa sécurité, sa santé et sa moralité. La loi supprime la notion de chef de famille du Code civil. » La notion de puissance paternelle est ainsi remplacée par l’autorité parentale.
L’arrivée des femmes sur le marché du travail, l’émergence des mouvements féministes, etc., vont fortement encourager cette égalité des sexes.
L’apparition de la pilule contraceptive en 1967 donne le pouvoir à la mère de choisir de ne pas avoir d’enfant, et en 1975, elle peut recourir à l’IVG (interruption volontaire de grossesse) sans avoir à demander l’autorisation à son mari.
Aujourd’hui, les droits de l’enfant l’emportent sur l’autorité du père. Et si l’on fait souvent référence à la mère comme figure d’attachement à la naissance d’un bébé, les recherches sur la théorie de l’attachement valorisent dès les années 70, avec les travaux de Michael Lamb, l’importance de la présence paternelle. En effet, le tout-petit a tout autant besoin de sa mère que de son père. C’est pourquoi ce dernier a toute sa place pour prodiguer les soins à son enfant et participer à son éducation, et sa présence est indispensable au bon développement de l’enfant.
Il convient maintenant de s’interroger sur la place du père dans les institutions sociales et médico-sociales lorsque l’enfant est en souffrance.
Des obstacles qui empêchent le père d’avoir toute sa place au sein des institutions
Au départ, les institutions sociales ont été créées pour apporter une protection à l’enfant, et soutenir la mère lorsque le père est violent ou n’assume pas ses responsabilités. C’est pourquoi, historiquement, les institutions ont avant tout réfléchi à la place de la mère au détriment de celle du père. Les mentalités semblent avoir du mal à évoluer, d’autant plus que d’autres facteurs nuisent à ces changements :
Une mauvaise image du père qui perdure
Le père est bien souvent absent au sein des services de protection de l’enfance, les professionnels ont affaire majoritairement aux mères, et ont d’autant plus de mal à repenser la place de celui-ci. L’absence du père ne fait que renforcer ce sentiment de défaillance paternelle. C’est pourquoi les travailleurs sociaux ont tendance à se focaliser sur la mère.
L’institution a également du mal à solliciter les pères parce qu’elle considère parfois qu’il lui sera impossible de faire mieux que la mère.
Lors d’une séparation, la mère a la garde de l’enfant dans 76% des cas. Cela accentue ce sentiment d’incapacité, d’injustice, chez les pères. C’est pourquoi certains ont tendance à moins s’impliquer dans la vie de leur enfant, ce qui explique aussi leur absence au sein des institutions. Ces pères sont alors oubliés.
Les professionnels ont parfois tendance à estimer que si le père est en retrait, cela ne sert à rien de faire appel à lui, car il n’aura aucune envie de s’impliquer. Ils anticipent les réactions des pères, et bien souvent ont une image du père violent, qui abandonne. Les pères (notamment les jeunes pères) sont également parfois ressentis comme trop immatures, et moins responsables que la mère. Seulement, si les professionnels ont le sentiment que le père sera de toute façon défaillant, l’enfant peut être imprégné de cette image négative de son père. C’est pourquoi il est important de dépasser ces croyances. Il ne faut pas projeter sur le désir du père, et imaginer des façons de l’intégrer à la vie de l’institution.
On comprend alors que même si les responsabilités parentales sont censées être égalitaires, une certaine conception traditionnelle demeure : seule la mère est capable de s’occuper de son enfant. Quant au père, il ne peut qu’être sévère et soutenir financièrement sa famille.
Des pères qui peinent à demander de l’aide
Les pères ont également du mal à trouver leur place au sein de l’institution parce qu’ils ont beaucoup plus de mal à demander de l’aide que la mère. Plus sujets au sentiment de honte d’avoir failli, ils ont peur de subir des critiques, et que l’on pense qu’ils ne sont pas à la hauteur. Les mères restent donc encore au cœur des interventions.
Des travailleurs sociaux qui ne sont pas toujours suffisamment formés
Les professionnels se sentent parfois moins outillés pour répondre aux différents besoins des pères, d’où l’importance de les former pour qu’ils puissent proposer des accompagnements plus adaptés. Ils ont encore trop l’habitude de travailler avec les mères, et se sentent parfois mal à l’aise face au père, dont ils ont du mal à cerner les besoins.
Une nécessité de repenser la place des pères dans les institutions sociales et médico-sociales
Il est important que les professionnels travaillent avec le père sur ses capacités, sur sa légitimité dans sa fonction parentale. Il s’agit d’un accompagnement à la parentalité.