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La gestion des conflits entre les professionnels et les familles

Dans cet article, nous vous donnons quelques conseils pour une meilleure gestion des conflits entre les travailleurs sociaux et les familles.

Comment peut naître un conflit entre les travailleurs sociaux et la famille ?

Les tensions et conflits sont la manifestation de grandes souffrances, que ce soit de la part des travailleurs sociaux ou des personnes qu’ils prennent en charge. Ces crises ont des causes diversifiées :

La famille est dans l’incompréhension

Parfois, la famille comprend difficilement la situation ou refuse de l’accepter.

Lorsqu’elle n’approuve pas les décisions prises par les équipes, cela signifie qu’elle ne perçoit pas la situation de la même façon que les intervenants. Par exemple, si un enfant a des troubles psychiques et que sa progression évolue en dents de scie, les parents peuvent juger que le professionnel a commis des erreurs de diagnostic ou de traitement. Chacun reste alors sur ses positions : le travailleur social a le sentiment d’en faire trop, il est certain de prendre les bonnes décisions pour le bien-être de l’enfant. Quant aux parents, ils craignent de se confronter à la réalité de la situation, ils ont également le sentiment d’avoir raison.

Le rejet de la réalité ainsi que la crainte cèdent rapidement la place à des comportements agressifs ou violents. Il se peut que la famille ressente également de la culpabilité et de la honte. Si nous prenons le cas d’un enfant qui fait l’objet d’une mesure de placement, les parents peuvent avoir le sentiment d’avoir échoué, de ne pas être à la hauteur des obligations qui leur incombent, ils se sentent jugés. Mais pour ne pas se confronter à ce type de ressentis, ils préfèrent parfois se retourner contre l’autre.

Les professionnels sont au bord de l’épuisement

À force de s’investir perpétuellement pour les autres, les travailleurs sociaux ressentent une forte fatigue émotionnelle et physique. Ils ne parviennent alors plus à échanger efficacement avec les usagers, la communication se rompt petit à petit.

  • ils sont angoissés ;
  • ils doivent assumer quotidiennement une grosse charge de travail ;
  • ils peinent à gérer leurs émotions face à la vulnérabilité des personnes accompagnées ;
  • ils manquent de temps pour mener à bien leurs missions ;
  • les familles exercent des pressions sur eux pour que leur situation s’améliore rapidement ;
  • ils sont parfois mal formés pour répondre aux besoins de chacun ;
  • etc.

Tout ceci finit par les pousser à bout et leur faire perdre la motivation pour s’investir auprès de ces personnes en détresse. Cela se traduit souvent par une perte de patience de la part des professionnels, ce qui nuit fortement à la relation (ils ne parviennent plus à être à l’écoute, ils sont agacés).

Le manque de communication est également source de comportements agressifs de la part des familles, car elles ne comprennent alors pas les décisions qui leur sont proposées. Elles se sentent elles-mêmes incomprises, angoissées, et seules. Elles ne sont pas associées aux accompagnements mis en place, elles ont l’impression de ne pas être traitées en tant que sujets. Elles ont alors la certitude de ne pas être prises au sérieux, ce qui les pousse à la contestation.

La souffrance apporte la violence

La douleur psychique ressentie par les travailleurs sociaux et les familles peut laisser place à des comportements violents.

Chez les familles

Lorsque la souffrance devient intolérable, les familles expriment leur violence différemment et de façon inattendue :

  • elles font preuve d’évitement : elles s’isolent et fuient toute relation avec les professionnels parce qu’elles considèrent qu’ils ne sont finalement d’aucune aide. Souvent, elles nourrissent beaucoup d’espoirs lorsqu’elles sollicitent un accompagnement. Mais si l’équipe ne leur fournit pas les solutions attendues, elles se retrouvent totalement démunies et ressentent de la frustration.

Prenons le cas de Céline qui emmène sa fille en urgence pour une consultation au CMP (centre médico-psychologique) parce qu’elle souffre de phobie scolaire. Elle a eu de bons échos de ce type de centre, et a la certitude que les thérapeutes vont enfin trouver une solution à la souffrance de sa fille. Malheureusement, le professionnel qui la reçoit est débordé, et lorsqu’elle lui fait part qu’elle est déjà suivie par une psychologue en ville, mais que cet accompagnement ne porte pas ses fruits, il montre son impatience : « Pourquoi venez-vous me voir alors que votre fille est déjà suivie par une thérapeute ? Vous devez continuer avec elle, vous n’avez pas besoin de moi. » Céline attendait qu’une autre solution lui soit proposée, car la thérapie actuelle était inefficace. Elle a compris qu’une nouvelle porte lui était fermée, et n’a plus osé contacter qui que ce soit. Sa fille, également déçue de la réponse apportée, a vu ses angoisses s’intensifier à chaque fois qu’elle devait retourner à l’école ;

  • elles se murent dans le silence : elles sont si découragées qu’elles préfèrent ne plus communiquer avec les équipes. Elles n’expriment pas leurs ressentis, leurs besoins, ce qui rompt totalement le dialogue ;
  • elles adoptent des comportements asociaux : une personne qui fait preuve de violence verbale ou physique, qui est sous l’emprise de l’alcool ou de stupéfiants lorsqu’elle se retrouve face aux professionnels permet difficilement à ces derniers de lui apporter l’aide dont elle a besoin. Elle est dans une sorte d’état second qui rend tout échange impossible ;
  • elles ont des attitudes imprévisibles, ce qui entraîne un blocage de la prise en charge, car la famille s’y oppose ;
  • elles émettent de vives critiques envers chaque proposition d’accompagnement qui leur est faite, ce qui peut même tourner à l’obsession ;
  • certaines familles sont procédurières : elles sont extrêmement méfiantes et menacent de porter plainte ;
  • elles adoptent des comportements de rejet : ceux-ci sont le reflet d’un manque total de confiance envers les professionnels. La famille peut alors faire le choix d’interrompre la prise en charge, de se tourner vers une autre institution pour obtenir un second avis, etc.

Chez les professionnels du social et médico-social

L’épuisement professionnel et la douleur psychique que sont susceptibles de ressentir les travailleurs sociaux sont à l’origine des attitudes violentes dont ils peuvent faire preuve.

Il arrive qu’ils puissent manquer de tact envers les familles. Les propos tenus peuvent apparaître comme blessants pour les proches.

Certains professionnels, agacés, sont à même d’adopter des attitudes excessives (froideur, impatience, etc.).

Le mal-être des travailleurs sociaux influence largement le type de relation avec les proches de la personne prise en charge. S’ils ne parviennent plus à faire preuve d’écoute active, s’ils ne perçoivent plus la douleur des familles, ils perdent leur fiabilité.

Quelles méthodes adopter pour une meilleure prévention ou gestion des conflits entre les professionnels et les familles ?

La cohérence de l’organisation des accompagnements et l’inclusion des familles sont des facteurs essentiels à la création d’un lien de confiance entre les intervenants et les proches. Ils permettent d’anticiper toute situation conflictuelle.

Comprendre les ressentis de la famille

L’instauration d’un dialogue permet aux professionnels de comprendre la colère, la tristesse, les incertitudes, et la perte de sens que peuvent ressentir les proches de la personne accompagnée.

Il est important de les laisser exprimer leurs diverses émotions, car cela montre que le professionnel comprend leur douleur, qu’il a conscience des difficultés qu’ils traversent.

Écouter la famille, c’est aussi lui donner l’opportunité de faire part de tout ce qu’elle met en place pour aider la personne accompagnée, des contraintes et des efforts que cela implique. Cette reconnaissance de la part des professionnels permet de contrer les démotivations, le sentiment d’échec ou d’inefficacité des personnes qui se sentent bien souvent démunies pour aider leur enfant souffrant de troubles psychiques, un parent atteint de démence sénile, etc.

Les doutes sont également souvent bien présents. Le rôle du professionnel est de faire preuve une nouvelle fois de compréhension vis-à-vis de tous les questionnements que peuvent avoir les familles. Elles ont besoin d’être rassurées en permanence.

Associer la famille aux prises de décisions

La famille doit être considérée comme un partenaire à part entière. En ce sens, il est important qu’elle soit consultée sur la façon dont l’usager va être accompagné, elle ne doit en aucun cas être mise devant le fait accompli. Associer les proches ne peut qu’atténuer, voire lever d’éventuelles réticences.

De même, il est essentiel que les informations soient communiquées de façon claire afin d’éviter toute incompréhension ou confusion.

Toute famille a besoin de bénéficier d’explications lorsqu’un type d’accompagnement s’avère infructueux ou n’est plus adapté (par exemple, lorsqu’un enfant autiste a de nouveau des crises violentes malgré le traitement mis en place).

Mettre en valeur les compétences des proches

Les familles ont besoin que les intervenants les aident à puiser dans leurs ressources personnelles plutôt que de se concentrer sur leurs défaillances. Par exemple, lorsqu’il existe des conflits au sein de la famille d’un enfant accompagné, l’objectif est de les soutenir dans l’exercice de leurs fonctions parentales en les aidant à déterminer les rôles et responsabilités de chacun, tout en veillant à se placer dans une posture de non-jugement et en valorisant les capacités de chacun.

Selon Roland Janvier, chercheur en sciences sociales, « l’expertise reconnue des professionnels vient à la rencontre des ressources affirmées des usagers. »

Faire le point sur sa pratique professionnelle

L’analyse des pratiques professionnelles est un outil qui permet aux professionnels du secteur social et médico-social de mettre à plat les différentes problématiques auxquelles ils sont confrontés et de rechercher collectivement des solutions (réfléchir à des outils de gestion des conflits, améliorer le travail d’équipe, par exemple). C’est ainsi l’occasion de repenser leur pratique et d’apprendre à améliorer leur posture professionnelle.

Participer à des groupes d’analyse des pratiques est aussi un excellent moyen de lutter contre l’épuisement professionnel.

Apprendre à gérer ses émotions

Accompagner au quotidien des personnes en grande vulnérabilité ne va pas sans générer une forte charge émotionnelle chez les professionnels du champ social et médico-social. Une mauvaise gestion de ces émotions peut participer à la naissance de situations conflictuelles avec les familles. L’intervenant a tout autant le droit de les ressentir, mais les émotions négatives ne doivent pas les mener vers une usure professionnelle. Heureusement, il existe des stratégies pour apprendre à les gérer efficacement et ainsi avoir une posture appropriée qui puisse réduire les tensions.

Se former en continu pour garantir les bonnes relations entre les professionnels et les familles

Face à la fatigue émotionnelle ou à certains comportements adoptés par les familles, les professionnels peuvent facilement se retrouver déstabilisés, et ainsi avoir du mal à tisser des relations de confiance avec les proches des personnes accompagnées. Se former en continu permet d’acquérir des techniques sûres en matière de gestion des conflits entre les professionnels et les familles, et facilite la communication entre les différentes parties.

C’est pourquoi, chez Epsilon Melia, nous avons mis en place une formation permettant aux intervenants du secteur social et médico-social de mieux comprendre les causes des conflits ainsi que les moyens de les anticiper ou de les gérer efficacement. Nous vous invitons à nous contacter si vous avez la moindre question sur notre formation à la gestion des conflits.

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