Il est des héros de roman que l’on ne peut oublier. Robin et son père Theo, les protagonistes de Sidérations, sont de ceux-là.
Robin est un enfant intelligent et sensible, qui ressent un lien très fort avec l’ensemble des êtres vivants. Il dort à la belle étoile pour entendre le chant des oiseaux, dessine avec ferveur les espèces menacées et écrit dans ses carnets que l’herbe pousse d’une façon « vraiment
génial[e] !!! ». Mais Robin est aussi sujet à de violentes colères qui déroutent son père et alertent les adultes de l’école. Les discours des médecins ne satisfont pas Theo. Il ne veut pas réduire la personnalité de son fils à un diagnostic et refuse tout traitement médicamenteux. Mais la directrice de l’école fait pression : Robin menacerait la sécurité des autres élèves. Theo est sommé de faire soigner Robin, au risque de s’en voir retirer la garde. Il ne lui reste qu’une option, emmener son fils chez le professeur Currier, l’inventeur d’une thérapie expérimentale inédite. Le neurologue propose de « brancher » Robin sur les émotions d’autres sujets. Grâce à l’intelligence artificielle, l’enfant entreprend de développer son empathie et ses capacités émotionnelles.
Aux frontières de la science-fiction, Sidérations soulève plus de questions qu’il n’apporte de réponses. Richard Powers interroge nos conceptions du bien et du mal, de la santé mentale et de la folie. Car si Robin doit être soigné, ce n’est pas tant parce qu’il est dérangé que parce qu’il dérange ! La société le pointe du doigt pour éviter de répondre de sa propre violence. Ainsi, lorsque Theo cherche à savoir pourquoi son fils s’est énervé contre un camarade, la directrice n’accorde aucun intérêt à l’élément déclencheur de cette colère — une remarque indélicate de l’ami du petit garçon sur la mort de la maman de Robin. Plus loin dans le roman, assis devant la télévision, les personnages s’interrogent :
Est-ce davantage une affaire de réaction appropriée ? […] Face à la ruine qu’était globalement le monde, […] [l]a vraie question, ce n’était pas pourquoi Robin dégringolait. C’était pourquoi nous restions, nous autres, si absurdement optimistes…
En effet, plus l’empathie de Robin s’accroit, plus il prend conscience des violences systémiques qui pèsent sur son monde. Pourquoi personne ne se mobilise devant l’urgence climatique ?
Pourquoi les hommes méprisent-ils les autres formes de vie et préfèrent-ils le profit à la relation à l’autre, quel qu’il soit ? Robin veut mener des actions concrètes pour changer les choses. C’est alors que la machine s’emballe….
Nous avons été touchés par ce jeune héros, les valeurs qu’il incarne et qui sont aussi les nôtres. Le protocole « de fiction » inventé par l’auteur, inspiré des thérapies émotionnelles et cognitives, questionne les enjeux éthiques de toute démarche de soin. Avec subtilité, Richard Powers nous invite à porter un regard nouveau sur la différence et à mobiliser les ressources de ceux que la société marginalise. Le lien à l’autre apparaît comme essentiel pour préserver notre dignité et notre bonheur. Dès lors, si la réalité que décrit le roman est sombre, son message reste lumineux :
Un jour nous réapprendrons à nous connecter à ce monde vivant, et l’immobilité sera comme un envol.
Entre éco-fiction et manifeste en faveur de la relation, Sidérations est le nouveau roman de Richard Powers, prix Pulitzer 2019 pour L’Arbre-Monde.
Sortie ce jour le 22 septembre 2021 !
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