Nous avons été particulièrement touché par les photographies de Dave Heath (1931 – 2016)
Une conscience de soi
« Heath commence à photographier très jeune, poussé par une forme de nécessité intérieur, liée à son histoire personnelle. Né en 1931 à Philadelphie, abandonné par ses parents à l’âge de 4 ans, il grandit au sein de plusieurs familles d’accueil avant d’être placé en orphelinat. C’est là, au sein d’un modeste club de photo amateur, qu’il s’initie à la photographie. Il est impressionné par un essai du photographe Ralph Crane publié dans Life le 12 mai 1947. Bad Boy’s Story raconte en images la rébellion, les tourments et la rédemption d’un jeune adolescent orphelin de Seattle. Le sous-titre parle de lui-même : « Un enfant tourmenté apprend à vivre en paix avec le monde ». Pour Heath, c’est une révélation. Tout en s’identifiant au personnage de l’essai, il va trouver dans le médium photographique une planche de salut pour s’affranchir de son destin. À l’écoute de ses propres sensations, photographier lui permettra désormais d’instaurer un lien avec les autres, rassemblants sur le papier les membres épars d’une famille qu’il n’a jamais eue. »
Extrait du catalogue de l’exposition du BAL
Paysage intérieur
« Les portraits d’anonymes qu’il réalise au fil des ans constituent l’épicentre de son oeuvre. Ce sont des images brutes, rigoureuses, parfois sévères. Le visage des sujets, cadré serré, peut être assimilé à une carte permettant de le guider vers un « paysage intérieur ». Ces photographies évoquent celles de Paul Strand (…). Elles montrent toutes des sujets ignorant la présence du photographe, mais surtout profondément absorbés dans leurs pensées. (…) Dans le cas de Heath, l’ « absorption » produit un double effet :
En premier lieu, elle ouvre un passage lui permettant de pénétrer dans l’esprit du sujet photographié pour tenter d’en sonder les profondeurs obscures. Défiants la bi-dimensionnalité propre à la photographie qui opère à la surface des choses, Heath vise à creuser en profondeur, verticalement, pour atteindre une dimension intérieure. Dans ses images, les individus remplissent littéralement le cadre par l’intensité de leur concentration.
En second lieu, cet état d’abandon constitue une clef d’identification entre Heath et ses sujets. Bien que principalement photographiés dans l’espace public, ceux-ci apparaissent mentalement soustraits à ce qui les entoures plongés dans un état d’isolement bien connu de Heath. Comme dans un texte de Sartre, ici l’être de chaque individu semble habité par un sentiment d’absence permanente. Tous regardent ailleurs, immergés là où se cache l’objet invisible de leur pensée. Heath reconnaît en l’autre cette sensation de perte, d’incertitude, de vulnérabilité qu’il a lui-même souvent éprouvée. À bien des égards, son livre au titre explicite, A Dialogue with Solitude, est un autoportrait. » Extrait du catalogue de l’exposition du BAL Dialogues with solitude.
Une exposition à découvrir DAVE HEATH DIALOGUES WITH SOLITUDES DU 14 SEPTEMBRE AU 23 DÉCEMBRE 2018 Au BAL
En tant que professionnels qui accompagnons de jeunes enfants et adolescents ayant connus des abandons précoces, des traumas, l’errance nous ne pourrons qu’être bouleversés par ces visages, ce qu’ils révèlent de leur état intérieur.
Dave Heath
Dialogues with Solitudes
DU 14 SEPTEMBRE AU 23 DÉCEMBRE 2018
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Co-fondateur et directeur d'Epsilon Mélia, psychanalyste, thérapeute, animateur de groupes d'analyse de la pratique et superviseur de cadres d'établissement dans le champ social et médico-social.