L’épidémie de Covid-19 a fortement ébranlé les structures du secteur social et médico-social. Tous les professionnels ont subi les effets de cette crise sanitaire, et ont été contraints de s’adapter toujours plus pour pouvoir continuer à prendre en charge les publics vulnérables.
Face à ce constat, Epsilon Melia, organisme de formation continue dans le secteur social et médico-social, ainsi que les ASH (Actualités Sociales Hebdomadaires) ont mené une enquête auprès de plus de 1500 professionnels. Son objectif ? Mettre en évidence l’état mental et physique des intervenants de ces établissements après deux années de pandémie, et faire le point sur leurs besoins les plus urgents.
Quels sont les effets négatifs engendrés par la crise sanitaire selon les professionnels du secteur social et médico-social ?
47 % des professionnels ont une perception plus négative du secteur dans lequel ils travaillent depuis la pandémie de Covid-19 alors qu’ils étaient 9 % avant la crise. Ce sont surtout les travailleurs médico-sociaux qui sont les plus impactés. À l’inverse, les personnes débutant leur carrière professionnelle dans le social ou médico-social ont une vision plus positive de leur travail.
De plus, 40 % des interrogés considèrent que la situation de leur structure est mauvaise, contre 9 % avant la pandémie. Cela concerne surtout les psychologues et les travailleurs médico-sociaux.
La crise sanitaire a exacerbé des difficultés déjà existantes, à savoir :
Des problèmes d’ordre structurel
79 % des professionnels mettent en évidence le manque de personnel, et 63 % l’insuffisance de moyens financiers alors que les exigences sont toujours plus importantes. La recherche d’efficience prime sur les vocations premières de ces structures, à savoir la relation humaine et l’entraide. La performance économique l’emporte sur le social, ce qui accroît la détresse psychique.
Le manque de reconnaissance est mis en avant pour 76 % des interrogés, d’autant plus que la hiérarchie méconnaît bien souvent les différents métiers du secteur social et médico-social, car elle n’a pas l’expérience de terrain.
La rémunération est également trop faible, ce qui nuit à l’attractivité des professions et démotive le personnel en place.
Les contraintes administratives sont aussi un frein au bon fonctionnement des services, car elles retardent ou ne permettent pas une prise en charge efficace des usagers.
Du fait de tous ces facteurs, les professionnels se retrouvent démunis, et ne peuvent pas toujours répondre aux besoins des individus qu’ils accompagnent (personnes en situation de handicap ou de précarité, personnes âgées, etc.). Faute de place dans les structures, certains individus en grande difficulté ne peuvent être accueillis. Cela génère un certain mal-être chez ces accompagnants, qui supportent mal le fait de ne pouvoir trouver de solutions pour les personnes dépendantes qu’ils tentent d’aider.
À cela s’ajoute également le turn-over au sein des équipes, ce qui démontre la souffrance chez les intervenants de ce secteur.
Une détérioration des conditions de travail
Avant la Covid-19, 63 % des professionnels étaient satisfaits de leurs conditions de travail. Depuis la crise sanitaire, ils ne sont plus que 35 %. Encore une fois, ce sont les travailleurs médico-sociaux qui souffrent le plus de cette situation. Viennent ensuite les professions paramédicales et les psychologues.
Avant la pandémie, les professionnels avaient le sentiment d’offrir un service de qualité malgré les nombreuses exigences et les problèmes de recrutement de personnel. Avec la Covid-19, de nouveaux types de publics ont besoin d’être pris en charge, notamment dans le domaine de la protection de l’enfance. La surcharge de travail, le manque d’écoute de la part de la hiérarchie, et le taux d’absentéisme important génèrent du stress et de l’épuisement.
Une dégradation de la santé physique et morale
Avant la crise sanitaire, 86 % des professionnels estimaient avoir une bonne santé physique. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 54 %. Parmi les symptômes évoqués, l’on retrouve une grande fatigue générale, beaucoup d’angoisse liée à la charge de travail et aux confinements, de nombreux troubles physiques (maux de ventre, de dos, troubles du sommeil).
La santé mentale s’est également détériorée : ils ne sont plus que 44 % à considérer que leur moral est satisfaisant contre 84 % avant la crise. Les professionnels sont inquiets quant à l’avenir du travail social, ressentent du découragement et une perte d’envie. Le burn-out est fréquent.
Un impact sur l’engagement au travail
Notre sondage révèle que 38 % des interrogés se sentent démobilisés depuis la pandémie. Les professions paramédicales sont les plus touchées. Certains ont besoin de faire évoluer leur carrière professionnelle, d’autres sont démotivés du fait de la passivité des structures et des partenaires, etc. D’ailleurs, la crise n’a pas permis de faciliter une ouverture vers l’extérieur afin d’accroître les interactions entre les établissements et leur environnement, de développer des partenariats et ainsi créer une dynamique.
À l’inverse, 44 % des professionnels considèrent que cela n’a pas eu d’impact, et 19 % se sentent même plus investis. Il s’agit notamment des coordonnateurs.
Quelles sont les conséquences positives liées à la pandémie de Covid-19 ?
65 % des interrogés ne perçoivent pas d’effets positifs dans la pandémie. Mais malgré tous les problèmes que la crise a pu faire naître ou exacerber, des professionnels soulignent des effets positifs, qui leur permettent de continuer à avancer et à ajuster au mieux leurs accompagnements :
Une montée de la solidarité
58 % des professionnels ont constaté davantage de solidarité et de cohésion au sein des équipes, qui ont su réagir collectivement pour continuer à exercer leurs missions malgré le virus et les confinements. La forte implication des professionnels leur a permis de mieux communiquer entre eux pour pouvoir s’adapter aux divers imprévus. Pour 54 % des personnes interrogées, les accompagnants ont su faire preuve de plus de créativité.
Des liens plus forts entre les professionnels et les publics pris en charge
Pour 45 % des professionnels, la pandémie a resserré les liens entre accompagnants et accompagnés. Les efforts ont été intensifiés pour répondre aux nouveaux besoins des personnes en grande souffrance.
Une prise de conscience de la population des problèmes du travail social et médico-social
Les médias ont joué un rôle important dans la pandémie, car ils ont su lever le voile auprès du public sur les différentes problématiques auxquelles les professionnels sont confrontés quotidiennement, notamment dans le milieu hospitalier.
Quelles sont les principales mesures à mettre en place pour améliorer le secteur social et la qualité de vie au travail ?
Face à ces différents constats (positifs et négatifs), les professionnels ont fait part de leurs attentes pour pouvoir continuer à effectuer leurs missions avec motivation et plaisir. En voici les principales :
Focus sur la rémunération
L’augmentation des salaires est pour 81 % des interrogés la condition essentielle pour renforcer l’attrait des métiers et mieux gérer les difficultés vécues dans le secteur social et médico-social.
L’importance des relations humaines
Les rapports entre collègues (79 %) sont également très importants pour parvenir à mener à bien les missions, tout comme les relations avec la hiérarchie pour 78 % des professionnels.
Ils ont besoin de reconnaissance (74 %), de relations de confiance, et que le pouvoir décisionnel leur accorde plus d’autonomie pour gagner en rapidité.
Des moyens supplémentaires
Les besoins en moyens humains se font largement sentir pour 79 % des intervenants. Les professionnels souhaitent que l’on favorise le recrutement sachant qu’il est difficile de trouver des travailleurs sociaux. Ils doivent venir en renfort pour soulager un personnel épuisé et permettre d’humaniser les relations accompagnant/accompagné. Car le manque de personnel oblige les professionnels à réduire leur temps d’accompagnement.
L’octroi de moyens financiers est également important (76 %) pour pouvoir accompagner des publics toujours plus nombreux.
Une participation aux réflexions
63 % des professionnels souhaitent pouvoir prendre part aux observations des partenaires afin d’avoir un rôle plus participatif et plus actif.
Des contraintes administratives allégées
Une simplification des contraintes administratives est indispensable pour 54 % des professionnels du secteur social et médico-social. Elle permettra d’agir plus vite et de pouvoir prendre en charge un plus grand nombre de personnes en difficulté (handicapés, individus victimes d’exclusion,etc.). Il sera alors plus facile de trouver des solutions qui correspondent aux besoins de chacun.
Cette enquête a permis de dégager les différents impacts de la crise sanitaire sur le fonctionnement des institutions du secteur social et médico-social, mais aussi et surtout les conséquences sur la santé physique et mentale des professionnels qui y travaillent. Elle aura aussi réussi à mettre en lumière l’énergie et l’entraide, qui permettent à ces structures d’apporter un peu de réconfort à ceux qui en ont le plus besoin. N’hésitez pas à télécharger notre étude complète sur le sujet.
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Co-fondatrice et directrice pédagogique chez Epsilon Melia, ancienne directrice de structure et formatrice.