À une certaine époque, les enfants faisaient l’expérience de la nature dès le plus jeune âge, aujourd’hui, cela a bien changé : selon une récente étude américaine, les enfants passeraient trois fois moins de temps à jouer dehors que leurs propres parents. En cause ? Un usage intensif des écrans, un emploi du temps plus chargé qu’avant et un sentiment d’insécurité de plus en plus présent… Autant de facteurs qui poussent les enfants à évoluer à l’intérieur plutôt qu’à l’extérieur alors que le contact avec la nature est essentiel à leur développement et les en priver peut avoir de lourdes conséquences sur leurs capacités cognitives, sensorielles et sur leurs émotions.
Pourquoi les enfants ne jouent-ils plus dehors ?
Trop de temps passé devant les écrans
Il n’existe pas de raison universelle qui explique ce phénomène mais dans nos sociétés occidentales, de nombreuses études mettent en avant un temps considérable passé devant les écrans (smartphones, tablettes et télévision), attirés par les séries, films, jeux vidéo et réseaux sociaux, les enfants ne se déconnectent plus, ou trop peu !
Moins de temps libre
D’autant qu’en parallèle, le temps libre hebdomadaire de nos jeunes générations a diminué de neuf heures sur les vingt-cinq dernières années, d’après une étude de l’Université du Maryland !
Urbanisation croissante
L’urbanisation est un autre facteur aggravant : en ville, les enfants ont beaucoup moins d’occasions d’être en contact avec la nature de façon régulière ou prolongée. La caricature du « petit citadin qui n’a jamais vu une vache de sa vie » passerait presque pour une plaisanterie si elle ne se vérifiait pas si souvent dans les classes vertes, colonies de vacances ou autres sorties pédagogiques en milieu naturel…
Peurs et insécurité
Il faut ajouter à cela la peur du danger et le climat d’insécurité. Il est évident que les enfants ne doivent pas rester sans surveillance et l’intérieur est souvent bien plus rassurant, plus simple à maîtriser. C’est vrai à la maison et c’est d’autant plus vrai dans les espaces publics comme les écoles ou les crèches dont les réglementations et autres aspects juridiques sont si durement encrées qu’il est quasiment impossible de laisser sortir les enfants à l’extérieur. Pourtant la prise de risque doit aussi faire partie, dans une certaine mesure, de l’éducation de l’enfant afin de ne pas lui confisquer définitivement son attrait pour les activités extérieures, sa curiosité et son envie d’apprendre.
Tout l’enjeu est donc de trouver un équilibre entre liberté d’évoluer dans la nature et sécurité. Car en tentant d’atteindre le risque zéro (qui n’existe pas) en conservant les enfants à l’intérieur, on réduit de fait les possibilités offertes par la nature en terme d’éducation et de développement de l’enfant.
Enfants coupés de la nature : quelles conséquences sur leur développement ?
« Aujourd’hui, les enfants vont mal, des études le montrent. Et la situation empire ! ». Ce constat que fait Béatrice Millêtre, docteure en psychologie et auteure d’un livre intitulé Le Burn-out des enfants paru en 2016, traduit l’importance pour les enfants d’être au contact d’une nature vivante et apaisante plutôt que d’être enfermés et passer beaucoup de temps face à des écrans qui, et cela a été prouvé par plusieurs études, lorsqu’ils sont utilisés de façon intensive et répétée, réduisent les capacités de l’enfant et favorisent leur sédentarité. Sans parler du fait que c’est un facteur aggravant de la myopie, les yeux étant fragilisés par le manque d’exposition à la lumière naturelle. De plus, l’usage intensif des écrans par les enfants perturbe le lien social.
On le sait, la sédentarité est de nos jours l’un des facteurs les plus néfastes sur la santé : surpoids, stress, dépression n’en sont que quelques conséquences déjà bien malheureuses pour nos enfants.
Privés de nature et exposés à une très forte pression, que ce soit à l’école ou à la maison, les enfants finissent par craquer. Tout comme les adultes en situation de Burn-out, à ceci près que les enfants se trouvent à un stade crucial de leur développement, où il ne devrait pas y avoir de symptômes avancés de dépression. Une autre étude scientifique outre-Atlantique corrobore d’ailleurs ce phénomène de dépression chez les enfants en faisant le constat alarmant que le nombre d’anxiolytiques prescrits aux enfants aux États-Unis a doublé en l’espace de cinq ans !
La nature a cette capacité à inviter les enfants à la découverte, à tester leurs capacités et leurs limites, à les faire tomber pour mieux qu’ils se relèvent. Ne pas exposer les enfants à ce terrain de jeu propice au développement psychomoteur, c’est comme encourager leurs peurs à se développer, entraînant un manque de confiance et une diminution de leurs capacités. Ils sont de fait moins résistant au stress et à la pression qui peuvent les harceler. La nature est également un formidable outil pour les apaiser et favoriser leur attention.
Des conséquences inattendues sur… l’environnement !
Si les conséquences néfastes sur le développement de l’enfant sont nombreuses, le danger pour l’environnement de couper les enfants de la nature pourrait se révéler tout aussi catastrophique !
En effet, non sensibilisés au vivant, les jeunes générations ne pourront développer suffisamment d’empathie envers la planète et son environnement. Comment alors trouver en eux le catalyseur qui permettra de passer de la prise de conscience et d’initiatives isolées ou individuelles à un vrai grand mouvement de fond global pour protéger notre planète et son avenir – en réalité : pour NOUS protéger et protéger NOTRE avenir ?
Pour protéger, il faut connaître. Pour agir, il faut se connecter.
Et au grand dam de cette relève « ultra connectée », cela ne se fera pas sur les réseaux sociaux mais bel et bien au contact de la nature car, si nous voulons faire de nos enfants des citoyens du monde responsables qui auront à cœur de protéger le monde où ils vivent, il faut les reconnecter à la nature le plus urgemment possible !
Comment améliorer le développement de l’enfant grâce à la nature ?
Jouer dans la nature fait partie de l’identité humaine encrée au plus profond de notre Être depuis la nuit des temps. Nous ne le conscientisons plus mais cela nous est essentiel et favorise le développement humain, social et psychique. Pour des enfants qui se construisent, c’est un apport indispensable à leur bien-être actuel mais aussi futur.
« Aucune description, aucune image d’aucun livre ne peut remplacer la vue réelle des arbres dans un bois avec toute la vie qui se déroule autour d’eux. » Maria Montessori
Les bienfaits de la nature sur le développement des enfants
Les bienfaits de la nature sont innombrables… Elle permet de stimuler la curiosité, entraîne l’éveil sensoriel des enfants à travers le toucher, l’odorat, la vue, le goût et l’ouïe. En invitant les enfants à jouer et à s’amuser, elle leur permet de se construire, de découvrir, de s’aventurer et d’oser, favorisant ainsi la prise de risques, la persévérance, la confiance… Le jeu est d’ailleurs reconnu comme un outil pédagogique efficace.
Ils vont y rencontrer des défis qu’ils s’évertueront à surmonter, ils développeront ainsi leur capacité à communiquer avec les autres et le travail en équipe, les rendant plus créatifs, à l’aise en société et plus à même d’appréhender les problèmes, de s’aider des autres et de réfléchir à des solutions, sans se laisser submerger par le stress ou la peur de l’échec.
La nature est une école de la vie !
D’ailleurs, certaines initiatives pédagogiques prônent une éducation en extérieur plutôt qu’à l’intérieur, c’est le cas des skovbornehaven au Danemark, littéralement « écoles maternelles dans les bois », où les enfants passent la majorité du temps dehors, y compris pour suivre des cours. En Suède, plus de 15% des écoles utilisent cette méthode d’apprentissage. On trouve également de nombreux exemples en Suisse et en Allemagne.
En France, l’éducation en milieu naturel est très peu présente, voire absente. Les classes vertes sont quasi inexistantes ou en voie de disparition faute de moyens financiers suffisants. Heureusement, certaines initiatives d’équipes pédagogiques permettent ici et là d’emmener les enfants au contact de la nature mais cela reste marginal et soumis à des risques importants de procès et autres plaintes, que cela provienne de parents, de la hiérarchie ou d’institutions.
Mais qu’associe-t-on à des sorties en pleine nature pour les qualifier de « dangereuses » ? Sans parler d’expéditions ou de parcours du combattant, des activités simples permettent aux enfants d’évoluer en milieu naturel sans risque : observation des insectes, chasse aux trésors de la nature, réalisation d’un herbier, stimulation de l’odorat avec les fleurs… Bref, toute une panoplie d’activités en extérieur permet aux enfants d’être sensibilisés au vivant et à la nature tout en se dépensant. Cela favorise la concentration le reste du temps, leur appétit mais aussi leur sommeil et donc leur équilibre mental et psychique !
De plus la nature est encore la façon la plus accessible et économique de s’émerveiller, tout simplement. Elle évolue sans cesse, nous offrant une richesse et une diversification incroyable au fil des saisons.
Quelle est votre réaction ?
Co-fondatrice et directrice pédagogique chez Epsilon Melia, ancienne directrice de structure et formatrice.