Psys en colère : témoignages

10 juin 2021. Les psychologues en exercice se mobilisent dans toute la France pour protester contre le nouveau système de remboursement envisagé par le gouvernement pour les chèques et forfaits psy. Un patient pourra bénéficier de 10 séances remboursées par la sécurité sociale, renouvelables pour 10 séances supplémentaires.

Ce n’est pas tant le remboursement en tant que tel qui est décrié par les professionnels du secteur, mais les modalités de fonctionnement de ces forfaits.

Évaluation par le médecin traitant généraliste, séance trop courte, parcours peu adapté au besoin du patient, précarisation du métier, cloisonnement des pratiques thérapeutiques : les motifs de colère sont nombreux pour ceux qui s’estiment totalement exclus des discussions qui les concernent directement et niés dans leurs fondements professionnels. Alors même que la pandémie a mis en lumière les énormes besoins de la population.

Nous avons recueilli le témoignage de deux psychologues. Elles nous parlent aujourd’hui de leurs craintes pour les professionnels et pour les patients.


Sophie Page Chotard est psychologue clinicienne depuis 2010, membre de l’équipe d’appui départemental de soins palliatifs à l’hôpital d’Orléans. Elle est aussi psychologue libérale auprès des enfants, des couples et des individus. Elle anime enfin des groupes d’analyse des pratiques professionnelles (GAPP) et des formations pour les professionnels.

Stéphanie Schia est psychologue clinicienne depuis 16 ans. Elle travaille aujourd’hui dans trois espaces différents. Psychologue clinicienne dans un institut médico-éducatif (IME) en Seine-Saint-Denis (93), psychologue libérale depuis 2021, elle est aussi animatrice de GAPP et formatrice dans le champ du handicap et de la protection de l’enfance.


Les psychologues sont en colère face à l’absence de consultation des organisations représentatives et des hommes et femmes de terrain. Ils dénoncent la volonté de contrôler la profession et de la paramédicaliser.

On vient tout rebousculer sans jamais s’intéresser à ce qu’on fait, à ce qu’on dit, à ce que les patients disent. On vient faire comment on pense que ce serait pertinent. Et ça, ça nous met en colère. Parce que notre travail, c’est de redonner la parole au patient, d’évaluer quel est son besoin et comment l’aider en fonction des ressources.

Laissez-nous notre liberté de travailler en toute autonomie. Car, à vouloir nous dire ce qu’on doit faire, vous nous réduisez dans tout ce qu’on peut faire.

La profession craint que le patient ne soit orienté que vers une thérapie en particulier, sans tenir compte de l’évolution de son besoin au cours des séances, ni de l’expertise du psychologue en matière d’évaluation et de diagnostic.

Si l’Ordre des psychologues impose des méthodes considérées comme de « bonnes méthodes » et en écartent d’autres, alors ça pose question.

Il est très réducteur de croire qu’un trouble n’est traitable que par une seule orientation psychologique.

Les psychologues soutiennent le remboursement des consultations. Mais ce sont les modalités (10 séances de 45 puis 30 minutes prescrites par un médecin généraliste) et le montant de ces séances (22 €) qui posent question.

En 30 minutes, c’est compliqué. D’abord parce que quand il s’agit d’un enfant ou d’un adolescent, on reçoit aussi sa famille sur le temps de consultation. Si on veut s’y plier, ça veut dire qu’on doit presser le patient à déposer sa souffrance.

En 30-45 minutes, on a à peine le temps de se dire bonjour. On est dans la relation, dans l’humain. Or, tout doit être compté aujourd’hui. On nous demande dans les rapports d’activité de mettre un nombre. Mais, dans une unité de soins palliatifs, vaut-il mieux s’occuper 1h30 de la famille qui s’écroule à côté ou voir 10 patients 10 minutes ?

Pour aller plus loin :

  • L’appel à mobilisation des syndicats de psychologues le 10 juin 2021.
  • « Ni bradés, ni soumis » : les psychologues et les psychothérapeutes manifestent contre la « précarisation » de leur métier, article publié dans Le Monde le 10 juin 2021.
Interview Delphine Lucas-Vaudelet
Montage Sébastien Lecourt
Photographie ©Francetv
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