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Adolescente en détresse, la tête dans les genoux, adossée au mur d'un bâtiment.

La fugue à l’adolescence : une réponse au mal-être du jeune

La fugue d’un adolescent n’est pas le signe d’un caprice ou d’une simple crise passagère. Elle traduit généralement un profond mal-être qu’il est urgent de prendre en compte pour éviter qu’il ne se mette en danger. En France, la fugue n’est pas un délit. Mais les parents sont considérés comme responsables de leur enfant devant la loi. Chaque année, plus de 40 000 jeunes fuguent de chez eux avec une part des mineurs de moins de quinze ans qui a tendance à progresser. Les professionnels du secteur social sont régulièrement confrontés à ce problème de fugue à l’adolescence, que ce soit au sein des familles ou de l’institution dans laquelle le jeune a été placé. L’enjeu est de trouver le bon accompagnement qui évitera à l’adolescent de récidiver.

Qu’est-ce qu’une fugue ?

La fugue signifie qu’un mineur part de son lieu habituel de vie, domicile ou institution sans y avoir été autorisé. Il échappe alors à l’autorité de personnes qui en ont la garde. Généralement, un jeune qui fugue revient rapidement chez lui ou dans l’institution dans laquelle il est placé. Mais parfois, il erre de nombreuses semaines dans la rue, et se met en danger.

La quête identitaire à l’adolescence

L’adolescence est une période de gros changements pour le jeune, qui peut souffrir de problèmes émotionnels. L’adolescent cherche sa place, essaie de se construire une identité propre, ce qui passe généralement par une étape de révolte : il conteste l’autorité de ses parents, et a du mal à accepter les règles établies. Parfois, les parents ne reconnaissent plus leur enfant de par ce nouveau comportement.

C’est pourquoi il est important de trouver un nouvel équilibre familial. L’adolescent a besoin de limites pour être sécurisé, mais aussi de dialogue avec ses parents. Il doit se sentir soutenu et accompagné dans cette phase difficile. Mais lorsque les tensions familiales sont trop lourdes à porter, la fugue est une des réponses. Elle est le signe d’un mal-être et de la recherche de quelque chose que l’adolescent ne parvient pas à avoir. 

Les causes de la fugue à l’adolescence

Plusieurs éléments déclencheurs peuvent amener un adolescent à fuguer. Malgré tout, peu de mineurs fuguent par plaisir. Une fugue peut être liée à une rupture de communication entre l’ado et ses parents. Celui-ci se sent incompris, rejeté. Fuguer est un moyen d’exprimer cette souffrance psychique.

La fugue est le signe de tensions dans la famille. Elle est une solution pour témoigner d’une souffrance qui dure. En fuguant, le jeune envoie le message que la situation qu’il vit dans son foyer n’est plus supportable. La fugue est souvent un appel au secours.

Parmi les causes de fugues à l’adolescence les plus fréquentes, nous pouvons citer : 

  • la détresse psychique ; 
  • le sentiment de ne pas être respecté au sein de la famille ;
  • les violences intrafamiliales ou négligences de la part des parents (abus sexuels, violences physiques, violences conjugales, etc.) ;
  • le besoin de liberté (parents trop étouffants, par exemple) ;
  • une méfiance vis-à-vis des parents et un refus de l’autorité (règles trop strictes, par exemple) ; 
  • la délinquance, des addictions ;
  • une situation socioéconomique précaire des parents ;
  • le jeune a déjà fait l’objet de mesures de placement.

En fuguant, le jeune envoie un message différent selon que cette fugue a été faite sur un coup de tête ou a été préméditée. Une fugue impulsive a lieu lorsque l’adolescent a subi un choc émotionnel intense. Lorsque la fugue est planifiée, le jeune cherche à combler des besoins non satisfaits, est en quête de liberté, d’autonomie, d’un autre mode de vie.

La fugue est beaucoup mieux acceptée lorsque l’adolescent fuit l’institution dans laquelle il a été placé. On comprend sa difficulté à vivre loin de ses parents, à supporter les règles, etc. Mais lorsque le jeune fugue de son milieu familial, elle est le signe de tensions avec les parents et interroge sur la qualité des liens d’attachement.

La fugue de l’adolescent placé en institution

Un adolescent peut être amené à fuguer du foyer dans lequel il a été placé.

Il peut avoir l’impression que ce placement ne l’aide pas à améliorer sa situation, il trouve que les règles de l’institution sont trop strictes, il a le sentiment de vivre dans un milieu trop impersonnel.

Il éprouve des difficultés relationnelles avec les professionnels de la protection de l’enfance ou avec les autres jeunes vivant dans l’institution : il ne se sent pas en confiance, il ne peut pas se tourner vers une figure d’attachement car les professionnels ne sont pas toujours les mêmes, il ne se sent pas entendu. Il vit des conflits avec les autres jeunes, se sent isolé, différent, il ne parvient pas à trouver sa place.

Le mineur peut également se sentir délaissé par ses parents, qui ne lui rendent pas visite ou ne tiennent pas leurs promesses. 

Les signes avant-coureurs d’une fugue

Les émotions négatives intenses (angoisses, forte anxiété) que peut ressentir l’adolescent sont souvent des signes que le passage à l’acte est proche. En fuguant, le jeune a le sentiment d’apaiser ce profond mal-être, même si ce soulagement n’est que ponctuel.

Pour prévenir au mieux toute tentative de fugue à l’adolescence, il est important que les familles et les travailleurs sociaux soient sensibilisés à ces signes précurseurs : 

  • il subit des conflits familiaux ;
  • il menace de quitter le foyer familial ou l’institution ; 
  • il a tendance à s’isoler, ne communique plus avec ses parents ou les travailleurs sociaux, il ressent un profond mal-être ;
  • il exprime son mal-être vis-à vis de ses parents ou de l’institution ;
  • il cache des affaires et de l’argent dans sa chambre ;
  • il est en échec scolaire ;
  • il devient irritable ; 
  • il change de fréquentations ; 
  • il refuse l’autorité ;
  • il modifie ses habitudes de vie ;
  • etc.

Les types de fugues

Il existe plusieurs types de fugues à l’adolescence, qui peuvent être programmées ou improvisées. Des travaux réalisés au Québec ont permis de définir une typologie des fugues : 

La fugue de survie

L’adolescent est obligé de fuir un environnement familial dangereux (violences, abus, etc.) pour tenter de trouver de l’aide à l’extérieur.

La fugue d’émancipation

Le jeune ne supporte plus l’autorité de ses parents ou des professionnels qui le suivent dans l’institution dans laquelle il a été placé. Il rejette également la façon dont il vit dans cet environnement (absence d’intimité, par exemple). Il a besoin de découvrir un autre monde, des personnes différentes, etc.

La fugue d’autonomisation

Le jeune a la sensation que le milieu dans lequel il évolue ne satisfait pas ses besoins, ne lui permet pas de prendre sa place. Sa famille l’oppresse, lui impose trop de restrictions, et ne le laisse pas s’autonomiser. L’adolescent ressent alors un besoin urgent de liberté, de pouvoir se débrouiller seul pour affirmer son identité.

La fugue anomique

Le jeune doit fuir une famille qui ne respecte pas l’ordre social (criminalité, participation à un gang, activités de prostitution, trafic de stupéfiants, etc.). Il choisit la fugue à la fois pour ne plus subir les déviances familiales, et pour s’opposer à une mesure de placement.

La fugue test

Souvent, ce type de fugue est lié à une réorganisation familiale (un divorce, par exemple). En fuguant, le mineur cherche à savoir si ses parents sont toujours attachés à lui, s’il compte encore malgré les changements au niveau familial.

La fugue de détachement

L’adolescent se sent abandonné par sa famille, il a le sentiment de ne pas avoir d’importance. Tout comme dans la fugue test, il a besoin de cerner le degré d’attachement de ses parents. 

L’ancrage dans la rue

Les fugues à répétition peuvent conduire à ce type de mode de vie. Le jeune se sent en insécurité chez lui, mais ne veut pas être placé dans une institution. Il préfère alors vivre dans la rue.

Les problèmes liés à l’errance

Les travailleurs sociaux doivent être sensibilisés aux problématiques que les jeunes rencontrent une fois qu’ils sont livrés à eux-mêmes.

Une fois dans la rue, le fugueur va devoir développer des stratégies d’adaptation pour survivre. Il se retrouve seul, vulnérable, et va le plus souvent chercher à s’intégrer dans un groupe pour rompre son isolement et son mal-être. Cette nouvelle vie va l’amener à adopter des conduites à risques, à se mettre en danger. Ainsi, il va se retrouver confronté à des problématiques extrêmement difficiles pour lui afin de pouvoir survivre : 

  • il est contraint de mendier ;
  • il commet des vols et des actes de violence ;
  • il participe à des trafics de drogue ;
  • il se livre à la prostitution ;
  • il est victime d’agressions (physiques, sexuelles) ;
  • il rejoint des gangs ou des squats ;
  • etc.

Toutes ces activités ont des conséquences graves sur son état physique et mental. Il peut subir des maltraitances physiques, souffrir d’un trouble de stress post-traumatique, les jeunes filles qui sont victimes de prostitution risquent une grossesse non désirée, des maladies sexuellement transmissibles, etc.

L’accompagnement des travailleurs sociaux face à la fugue de l’adolescent

Les professionnels du secteur social et médico-social adoptent une posture d’écoute, de non-jugement vis-à-vis de l’adolescent fugueur. Ils prennent connaissance de ses besoins, de ses diverses problématiques, et mettent en place des objectifs atteignables pour le jeune. Les travailleurs sociaux travaillent à la fois avec le jeune et la famille.

Analyser la période de fugue

La travailleur social doit s’attacher à comprendre comment l’adolescent a vécu ce moment de fugue (a-t-il compris que c’est dangereux pour lui ? Souhaite-t-il revivre l’expérience ? A-t-il pu répondre à ses besoins non satisfaits pendant cette période ?). L’objectif est d’éviter la récidive. Il faut donc en premier lieu le sécuriser, le soutenir, et lui assurer une écoute active pour le mettre en confiance. En effet, même si le jeune souhaite mettre un terme à sa fugue parce que ses conditions de vie sont difficiles, il peut hésiter du fait de la peur des réactions des professionnels, de ses parents, etc. Ensuite, le travailleur social doit lui permettre de communiquer avec ses parents afin de renouer le dialogue.

Rechercher les causes de la fugue de l’adolescent

Les travailleurs sociaux s’attachent à comprendre le message que l’adolescent essaie de faire passer par ce passage à l’acte de fuguer. Cela leur permet de comprendre le type de mal-être qu’il ressent et de chercher d’autres solutions lui permettant de retrouver un certain bien-être pour lui éviter d’effectuer des fugues répétitives. En effet, si ce message n’est pas compris par le professionnel, les risques de fugues à répétition seront importants. L’important est de l’aider à prendre conscience de ses ressources personnelles pour gérer autrement ses problèmes. Afin de faciliter le diagnostic, il est essentiel que les professionnels se tournent vers la famille pour tenter de mieux cerner les raisons pour lesquelles le jeune a été amené à fuguer (violences intrafamiliales, refus de placement, etc.).

Favoriser une collaboration avec les parents du jeune fugueur

Les parents sont responsables de leur enfant au regard de la loi, ils doivent donc être associés à l’accompagnement proposé. Souvent, les travailleurs sociaux mettent en place un accompagnement à la parentalité, car les familles ont besoin d’aide pour adopter les bons comportements avec leur adolescent et assurer leur rôle de parents.

Il est important que le professionnel aide le parent à recréer le lien avec son enfant, car la fugue peut être aussi traumatisante pour la famille qui a la sensation d’avoir échoué dans son éducation, qui ne comprend pas pourquoi le jeune en est venu à une telle décision. Ils peuvent aussi éprouver de la colère, ce qui peut complexifier la reprise des contacts avec leur adolescent.

Connaître les particularités de la fugue de l’institution dans laquelle l’adolescent est placé

Les adolescents n’acceptent pas toujours les mesures de placement qui leur sont imposées. Ou bien ils sont déçus des conditions de vie en institution, ils n’ont pas le sentiment d’évoluer positivement. La fugue est alors un moyen de montrer qu’ils sont mieux à l’extérieur, qu’ils n’ont besoin de personne pour s’en sortir.

Le travailleur social doit ainsi s’attacher à comprendre comment le jeune vit cette mesure de placement et le genre de relations qu’il entretient avec les professionnels et les autres jeunes du foyer.

 

Il n’est pas toujours facile pour les professionnels du secteur social et médico-social de comprendre le sens de la fugue chez les adolescents et de trouver les bons accompagnements pour éviter les récidives. C’est pourquoi chez Epsilon Melia, nous avons conçu une formation pour les aider à parfaire leurs savoirs sur les particularités de la fugue et à acquérir des outils pour adapter leurs accompagnements en fonction des différentes problématiques rencontrées par les jeunes. Notre formation a lieu en intra, sur deux jours. Vous souhaitez vous inscrire ou avoir des renseignements complémentaires ? Nous vous invitons à nous contacter.

Nous vous proposons un documentaire sur le sujet : 

https://www.youtube.com/watch?v=oyW4E33dG5E