Les écrits professionnels dans le secteur social et médico-social
Depuis la loi du 2 janvier 2002 sur l’action sociale et médico-sociale, les travailleurs sociaux doivent de plus en plus recourir aux écrits professionnels, et ce, dans tous les domaines d’activité : dossiers des usagers, projets d’établissements, bilans de comportement, etc.
Toutefois, les professionnels rencontrent bien souvent des difficultés face à l’écriture, car ils n’ont pas toujours pu bénéficier de formations initiales sur le sujet. C’est pourquoi se former en continu permet de lever les appréhensions et d’acquérir de nouveaux savoir-faire.
Qu’est-ce qu’un écrit professionnel ?
Ermitas Ejzenberg, docteure en sciences de l’éducation et formatrice dans le travail social, définit l’écrit professionnel comme « Tout type d’écrit concernant directement les usagers dans les institutions, rédigé intégralement ou partiellement par les travailleurs sociaux dans l’exercice de leur fonction, c’est-à-dire, par ceux qui sont au contact direct des publics en question. »
En travail social, les écrits professionnels ont des formes et usages divers.
Quels sont les exemples d’écrits professionnels que l’on trouve en travail social ?
Il existe différents types d’écrits professionnels en travail social et médico-social. Ils répondent à des objectifs diversifiés (signaler un mineur en danger, notifier les évolutions au sein d’une famille, etc.) :
- certains écrits garantissent les droits et devoirs des personnes accompagnées comme le règlement de fonctionnement, le dossier de prise en charge de l’usager, par exemple ;
- depuis la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 sur l’action sociale et médico-sociale, les équipes doivent faire part de leurs pratiques en utilisant l’écrit. Cela permet de rapporter leurs différentes actions. Les référentiels de bonnes pratiques en font partie et permettent d’aider les professionnels à améliorer leurs accompagnements ;
- nous pouvons rajouter à ces exemples les comptes rendus d’entretiens ou réunions ainsi que les projets personnalisés qui permettent d’indiquer par écrit les différentes actions à mettre en place pour soutenir l’accompagné.
Quel que soit l’écrit, il doit satisfaire à un certain nombre d’exigences.
Quels sont les principes que doivent respecter les différents écrits professionnels ?
Depuis la loi du 2 janvier 2002, un dossier de l’usager doit être constitué et communiqué à la personne concernée ou ses ayants droits. Les écrits ne servent donc plus seulement à faciliter la collaboration entre les professionnels, mais aussi à travailler en partenariat avec la personne accompagnée. Les nouveaux droits des usagers des institutions entraînent des responsabilités supplémentaires pour les travailleurs sociaux en cas d’erreurs effectuées dans leurs écrits.
La personne accompagnée a droit au respect
La loi a renforcé l’existence des droits accordés aux usagers des institutions :
- les professionnels se doivent de respecter la dignité et l’intégrité de la personne dans leurs écrits ;
- les informations liées aux personnes accompagnées doivent rester confidentielles afin de respecter leur vie privée. Toutefois, dans le secteur social et médico-social, les professionnels tenus au secret professionnel peuvent se transmettre des éléments (comptes rendus d’entretien, par exemple) afin de pouvoir analyser au mieux le type d’accompagnement à proposer à l’usager. Mais il existe des dérogations au secret professionnel : par exemple, dans le domaine de la protection de l’enfance, le travailleur social est tenu de transmettre une information préoccupante au département concerné si un mineur est victime. En cas de danger, si le secret professionnel n’est pas levé, il s’agit de non-assistance à personne en danger.
L’usager a le droit d’avoir accès à son dossier
La personne vulnérable doit pouvoir prendre connaissance de tous les documents relatifs à sa prise en charge.
C’est pourquoi le professionnel doit toujours réfléchir à qui sont destinés ses écrits et quels sont ses objectifs. Le contenu doit avoir un intérêt pour le destinataire.
Sauf exceptions (parents de mineurs, par exemple), seule la personne concernée peut avoir accès à son dossier.
Il peut être nécessaire que le professionnel assiste la personne lors de la consultation des documents afin de lui fournir les explications indispensables à sa compréhension. En effet, cela permet d’expliquer les termes, car il peut y avoir de nombreuses interprétations possibles autour d’une même phrase. Si une phrase est lue de travers, cela peut mettre en péril la relation de confiance et le lien tissé avec la personne accompagnée.
À quoi servent les écrits professionnels ?
Les écrits professionnels en travail social sont une source d’enrichissement, car ils permettent de construire quelque chose de concret avec soi et les autres.
En fonction de leur nature, les écrits professionnels ont plusieurs objectifs :
Ils servent à approfondir la réflexion
Coucher ses réflexions, ses idées sur le papier facilite la prise de conscience, la mise en place d’actions réfléchies. L’écriture favorise la compréhension d’une situation donnée, et permet d’aboutir à des prises de décision cohérentes. Le professionnel prend de la distance par rapport à la situation vécue, arrive à y voir plus clair. Il peut s’agir des transmissions ou de notes adressées aux membres de l’équipe, par exemple.
Ils permettent de mieux comprendre les situations rencontrées, les problématiques de chacun.
Écrire permet de déposer sa subjectivité quelque part pour l’observer, la comprendre, et en faire une source d’information à réinjecter dans un écrit pro partagé. Selon Pauline Lamy, formatrice auprès de travailleurs sociaux, les notes personnelles ne sont pas partageables en l’état. Elles nécessitent d’abord une relecture individuelle ainsi qu’une prise de distance avec d’éventuelles émotions ressenties lors du travail mené en relation avec l’autre.
Ils permettent de transmettre aux autres
Tous les écrits relatifs aux institutions sociales et médico-sociales ont un objectif précis : transmettre une information, que ce soit sous la forme de notes de synthèse, dossiers des usagers, comptes rendus, évaluations, etc.
Il s’agit de porter à la connaissance de la justice, des collègues ou des usagers concernés des informations diverses, des analyses de situations, des détails essentiels à la prise de décision, des éléments sur l’évolution de la situation des accompagnés, etc.
Ils sont la mémoire de ce qui se passe dans l’institution
Il est important de garder des traces des témoignages, des pratiques, de ce qui se dit lors de réunions, d’entretiens avec les usagers des institutions. Cela permet de rendre compte des actions mises en place avec les personnes accompagnées. L’écrit ouvre ainsi la porte à la négociation pour aboutir à des prises de décision efficientes.
Le professionnel doit faire en sorte d’être compris par tous, c’est pourquoi chacun des arguments doit être réfléchi.
Ils aident à démontrer des faits
Très souvent, les professionnels du secteur social et médico-social produisent des écrits qui engendrent des prises de décisions aux conséquences plus ou moins graves sur les personnes accompagnées. Ils engagent ainsi leur responsabilité puisqu’ils doivent justifier leurs choix, défendre leurs propositions. En rédigeant un document, ils doivent montrer qu’ils sont compétents pour analyser une situation donnée.
Quand ils écrivent au juge, par exemple, les travailleurs sociaux doivent réussir à convaincre en organisant efficacement leurs idées, en argumentant de façon appropriée afin que la prise de décision soit la plus juste possible pour la personne accompagnée. Le juge interprète ensuite également la situation familiale analysée par le professionnel.
Les éléments transmis par les travailleurs sociaux sont relativement déterminants dans la prise de décision finale.
C’est pourquoi ils doivent être particulièrement attentifs à leurs propos écrits, et ne pas rompre le lien de confiance entre la famille et l’institution. En effet, l’écrit doit faciliter le lien social.
Face à ces objectifs et exigences à respecter, le professionnel éprouve bien souvent des difficultés d’autant plus que la demande de contenus écrits est grandissante.
Quelles sont les difficultés rencontrées par les travailleurs sociaux vis-à-vis de l’écrit ?
De nombreux travailleurs sociaux ne sont pas à l’aise avec l’écrit
Pour beaucoup, écrire est un véritable casse-tête, voire une souffrance.
Il n’est pas toujours facile de transcrire à l’écrit ce qui s’est dit oralement, car les professionnels ont surtout pour pratique d’utiliser la parole dans leurs interventions.
Écrire peut rappeler les mauvais souvenirs liés à l’école.
De plus, le travailleur social a sa propre histoire, expérience, sensibilité, culture. De ce fait, il lit constamment une situation en fonction de ses propres représentations. Écrire lui permet de trouver une forme d’objectivité en s’obligeant à argumenter sa pensée, à trouver des éléments qui rendent son point de vue juste et valide.
Les professionnels manquent de temps pour écrire
Même si l’écriture prend de plus en plus de place au sein des institutions, les travailleurs sociaux ont peu de temps à y consacrer, car ils privilégient les moments accordés au relationnel.
Les règles diffèrent en fonction du type d’écrit
En fonction du type de contenu à rédiger, les codes à respecter sont différents (compte rendu, note de synthèse, rapport, etc.). Certains écrits sont déjà très formalisés (formulaires avec cases à cocher et peu de place pour ajouter les informations pertinentes, par exemple), ce qui encadre fortement le professionnel qui doit s’y conformer.
Les enjeux des écrits professionnels sont importants
L’écrit produit par un professionnel sert de support à la prise de décision sur l’accompagnement d’un enfant, d’une personne en situation de handicap, etc. Ces décisions seront plus ou moins lourdes selon les situations rencontrées. C’est pourquoi, à travers ses écrits, le professionnel ressent une grosse responsabilité, et cela peut devenir source d’angoisse. Il peut ainsi avoir des difficultés importantes à s’exprimer à l’écrit puisqu’il ne sait pas ce qu’il peut être en mesure d’écrire ou non.
En effet, l’écrit va poursuivre la personne tout au long de sa prise en charge. Mais cette responsabilité est aussi une reconnaissance pour le travailleur social, car elle donne du poids à son observation, et à son expertise.
Les travailleurs sociaux ont parfois peur du jugement
En mettant leurs observations à l’écrit, il peut y avoir une crainte de se sentir jugé par rapport à ce qui est consigné. C’est pourquoi il est plus facile pour le professionnel de retranscrire ses observations (par exemple, le comportement d’un enfant lors d’une visite à domicile) que sa stratégie d’intervention (proposer un projet individualisé, etc.), car celle-ci l’engage plus.
Dans les rapports, il faut également juger ce qu’il est possible de retranscrire à l’écrit, comme par exemple les propos exprimés à l’oral, et qui doivent rester en interne.
Les écrits professionnels des travailleurs sociaux peuvent parfois s’avérer paradoxaux, ce qui peut compliquer les décisions à prendre. Le professionnel a peur de trancher, et à la lecture du document, le tiers ressent cette indécision.
Les professionnels utilisent des termes modalisateurs comme « il semblerait », « il se peut que », « avoir l’impression que », ce qui crée un déséquilibre entre ce que le professionnel observe, et le fait qu’il nuance ensuite à l’écrit car il est compliqué pour lui de trancher, même si ce qu’il vient de constater est clair. Ce type d’écrit a pour objectif de ne froisser personne. Le travailleur social transmet des informations, mais il reste dans la nuance, il préfère éviter d’affirmer les choses pour ne pas trop engager sa responsabilité. Il fait des présomptions, énonce les faits avec prudence pour préserver la famille (il prend des précautions), ne pas la heurter quand elle va lire l’écrit.
Pourquoi la formation continue permet-elle d’améliorer ses écrits professionnels ?
Écrire ne va pas de soi, l’acte d’écrire est complexe surtout quand il faut s’adapter aux différents types de contenus :
- l’écriture fait appel aux capacités de réflexion, d’analyse, de communication à une pluralité de destinataires ;
- l’écrit doit être porteur de sens et cohérent ;
- le message doit être lisible et correctement structuré ;
- les techniques rédactionnelles doivent correspondre au cadre légal ainsi qu’aux attentes du destinataire (juge, usager, etc.) ;
- l’écrit professionnel est un acte éducatif en tant que tel, il doit donc être régulièrement questionné comme tous les autres actes éducatifs.
C’est pourquoi la formation est la solution pour améliorer ses écrits professionnels, car elle permet d’apprendre ces différentes étapes pour accéder à un écrit qualitatif et répondant aux exigences de chacun.
Se former à la méthodologie des écrits professionnels en travail social permet d’être mieux outillé et armé. Le professionnel apprend à observer, prendre des notes, analyser, structurer ses idées, faire des choix, décider, et agir. C’est tout le processus en jeu dans ce travail d’écrit professionnel. Et tout ceci est loin d’être inné.
La formation doit également contenir des éléments plus philosophiques afin que le travailleur social apprenne à réfléchir à ce que cela engage de dire, d’écrire, et de décider pour quelqu’un. Les mots pèsent très lourd et restent. Il est donc impératif, avant même d’apprendre la méthodologie, de sensibiliser les professionnels à l’observation, à l’interprétation, au jugement, aux émotions qu’ils plaquent et transposent. Il est aussi important qu’ils connaissent la signification de la dignité, du respect, de l’écoute, et de l’empathie. Tous ces éléments sont subjectifs, mais sont au centre de la démarche d’écriture.
Chez Epsilon Melia, nous sommes conscients des difficultés que rencontrent les professionnels du secteur social et médico-social avec l’écrit. C’est pourquoi nous avons créé une formation sur les écrits professionnels d’une durée de 3 jours pour les aider à rédiger avec plus de facilités tous les documents qu’ils doivent transmettre aux tiers. Ce programme leur permet ainsi d’acquérir de réelles compétences à l’écrit.
Ce programme est proposé en inter ou en intra, et nous pouvons nous déplacer sur toute la France ainsi que dans plusieurs pays francophones. Vous souhaitez vous former aux écrits professionnels en travail social ? N’hésitez pas à nous contacter.
Nous remercions Pauline Lamy, formatrice auprès de travailleurs sociaux et animatrice d’ateliers d’écriture, ainsi qu’Isabelle Sofr, consultante, formatrice et intervenante en GAPP, pour l’aide qu’elles nous ont apportée pour la rédaction de cet article.