L’accompagnement du deuil en institution
Les professionnels travaillant auprès de résidents en institution peuvent être confrontés à la question de la fin de vie et au soutien des personnes en situation de deuil. C’est encore plus vrai dans le contexte sanitaire actuel où les établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS) font face à des situations inédites de deuils à répétition. Ces événements traumatiques génèrent de nombreux questionnements au sein des équipes et interrogent nécessairement son propre rapport à la mort et à la fin de vie.
Comment mieux comprendre les enjeux du processus de deuil et de ses effets ? De quels outils et formations dispose le personnel de structure sociale et médico-sociale ? Une chose est sûre : la place particulière occupée par les professionnels impose un véritable accompagnement de la part de l’établissement.
Le deuil : une définition
Tiré du latin « souffrir », le deuil désigne généralement un état de choc émotionnel provoqué par la perte d’un être proche. Par extension, on parle aussi de deuil pour la perte d’un membre physique, de son autonomie, d’une rupture sentimentale ou professionnelle.
Le processus de deuil provoque différentes réactions physiques, psychologiques et sociales auxquelles doit faire face l’accompagnant, qu’il soit famille, proche ou professionnel médico-social. Dans les cas particuliers des publics accueillis en institution, le deuil peut être encore plus complexe : difficulté de comprendre la disparition, apparition d’angoisse, impossibilité d’exprimer ses émotions ou de les gérer.
Comment les professionnels en ESMS peuvent-ils accompagner les endeuillés ?
Pour le professionnel en établissement social et médico-social, la relation d’aide en situation de deuil implique le respect et la considération pour la souffrance de l’autre. Il s’agit aussi de mettre en place des actions d’accompagnement : rendre possible les rites entourant la disparition et la mort, créer un espace d’écoute et de parole, accompagner les obsèques. Il faut rassurer, écouter la souffrance de l’autre, aider à libérer la parole.
Enfin, le professionnel doit observer les signaux d’alerte comme la perte de sommeil, les comportements inhabituels, pour en référer au psychologue de l’établissement. Est-ce que le professionnel aidant est formé à cela ? Quasiment jamais dans sa formation initiale. Or, il s’agit de savoir prendre soin de l’autre, mais aussi de pouvoir se protéger soi-même face à ces situations douloureuses. « Qu’est ce que je suis prêt(e) à entendre, à endurer ? », « comment puis-je me faire aider si la charge est trop lourde pour moi » sont des questions auxquelles toute institution devrait pouvoir répondre.
Favoriser les rituels de fin de vie
Qu’il s’agisse des rites funéraires, des soins ou de la toilette mortuaire, mieux connaître les rituels de fin de vie associés à chaque religion permet de respecter les croyances et de ne pas heurter davantage le résident dont on s’occupe. Établir un lien direct avec la possibilité de procéder à un rituel funéraire donne aussi une certaine continuité à l’annonce du deuil, plutôt que de laisser la personne seule face à la terrible nouvelle. À travers les rites de fin de vie et de mort, l’endeuillé pourra prendre conscience de la nécessité de se désinvestir émotionnellement.
Travailler en équipe et en réseau
Pensés d’abord comme des lieux de vie, les établissements médico-sociaux sont peu armés face à la question de la mort et du deuil. Pourtant, la mort et/ou le deuil en établissement se préparent. La dynamique institutionnelle insufflée par la direction d’un établissement doit faciliter la parole et l’écoute face à la mort, pour les résidents comme les personnels de proximité. Des formations, réunions d’équipes, échanges réguliers avec les résidents et les familles facilitent l’appréhension de cet événement traumatique. Du côté des professionnels, des outils existent et ont fait leurs preuves : groupe de parole, soutien psychologique, analyse des pratiques professionnelles, réunion d’équipe ou pluri-disciplinaire…
Appliquer la loi Leonetti
Depuis 2005, une personne majeure peut rédiger ses instructions pour exprimer ses volontés en ce qui concerne la fin de vie et la mort. C’est un outil d’accueil et d’accompagnement encore sous-utilisé par les structures médico-sociales. La rédaction de ces directives donne un espace supplémentaire pour aborder les questions de mort et de deuil en institution, que ce soit du côté des accompagnés ou des professionnels.
Préparer l’annonce officielle aux résidents, professionnels et proches
L’annonce officielle du décès permet de rassurer « ceux qui restent » sur la manière dont on prend en charge la mort, comment on accompagne et on respecte le défunt.
« Ne sais-tu pas que la source de toutes les misères de l’Homme, ce n’est pas la mort, mais la crainte de la mort ? » Epictète.
Le décès d’un résident provoque interrogations et angoisses chez les autres. Il est donc important pour ceux qui le souhaitent de disposer d’interlocuteurs avec lesquels ils pourront échanger sur la mort et le deuil et de s’associer s’ils le souhaitent aux rites mortuaires. L’institution doit faciliter leur transport aux obsèques par exemple.
La formation des professionnels, une clé pour préparer au deuil en institution
Les professionnels des institutions sociales et médico-sociales sont peu préparés au cours de leur formation initiale. Le sujet n’est par exemple que très peu abordé dans le parcours d’éducateur spécialisé ou de moniteur-éducateur. Heureusement, depuis longtemps, la formation professionnelle continue propose des formations spécifiques au deuil en institution. Le programme est vaste : accompagnement des professionnels, des familles et des résidents, sensibilisation aux signes cliniques de la mort, panorama des rites existants, gestion des émotions, etc.
Selon la psychiatre Elisabeth Kubler-Ross, « une formation peut permettre de remobiliser les équipes, de libérer leur parole, de partager leurs ressentis et la souffrance générée par le décès d’un ou de plusieurs résidents. Elle permet aussi de prendre conscience de l’importance du travail d’équipe durant l’accompagnement de fin de vie, ou encore de savoir réagir après le décès d’un résident à travers les différentes étapes du deuil ».
S’inscrivant totalement dans cet état d’esprit, Epsilon Mélia propose une formation pour les professionnels confrontés à la mort et au deuil en institution. Celle-ci vise à accompagner le défunt ou le mourant vers sa fin de vie, diminuer sans nier la charge émotionnelle ressentie par les professionnels, favoriser le travail en réseau pluridisciplinaire et mieux prendre en compte l’entourage du défunt.