Qu’est-ce que l’autodétermination ? Comment la favoriser ?
Le concept d’autodétermination est de plus en plus utilisé dans le champ du handicap. Pour autant, ce terme s’applique à tous les êtres humains, quel que soit leur âge. Quand nous parlons d’autodétermination, nous faisons référence au droit des individus de construire leur vie. Il s’agit donc d’une compétence que tout le monde peut revendiquer. Il est important d’aider les personnes à devenir actrices de leur vie, à choisir leur trajectoire tout en étant soutenues dans leurs démarches. Parce que chaque individu, qu’il soit atteint ou non d’un handicap, doit pouvoir faire ses choix de vie en fonction de ses capacités. Les professionnels du secteur social et médico-social sont régulièrement amenés à soutenir cette autodétermination chez les personnes qu’ils accompagnent. Voyons en détail ce qu’est l’autodétermination, et comment il est possible de l’encourager.
L’autodétermination : définition
Dans les années 1980, Deci et Ryan (professeurs de psychologie à l’université de Rochester), proposent une théorie de l’autodétermination pour aider les enseignants à développer l’autonomie des étudiants ayant des problèmes d’apprentissage.
En 1996, Michaël Wehmeyer et Sands définissent également un modèle de comportement autodéterminé pour soutenir les personnes en situation de handicap.
Le concept d’autodétermination fait référence au droit des individus de construire leur vie. Cela signifie qu’une personne peut prendre elle-même des décisions, et faire ses propres choix, ceci sans influence extérieure si cette dernière n’est pas fondée. Par conséquent, l’autodétermination s’applique aussi aux personnes en situation de handicap.
Sont donc prises en compte les aptitudes de la personne qui lui permettent d’être maître de sa propre vie. Celle-ci passe à l’action pour atteindre des objectifs qu’elle a librement choisis. Ces décisions concernent tous les domaines relatifs à sa vie : logement, santé, sorties, alimentation, etc.
L’autodétermination est considérée comme une compétence, qui se dessine au fil du temps. La personne s’entraîne à affirmer ses choix, expérimente pour savoir ce qu’elle souhaite vraiment, se trompe, apprend grâce à ses expériences et ses erreurs. Elle peut prendre des risques modérés pour évoluer.
Pour autant, elle ne peut pas toujours faire ce qu’elle souhaite, agir sans aucune exigence extérieure. Elle a également des devoirs, et doit bénéficier d’un accompagnement afin de ne pas se retrouver seule face aux choix qu’elle est amenée à faire. L’autodétermination ne signifie donc pas qu’elle fait tout toute seule, elle peut bénéficier de soutiens.
L’autodétermination facilite l’inclusion sociale, le bien-être physique et psychique, et accroît la qualité de vie de la personne. Elle lui permet de concrétiser ses projets de vie.
Les principales caractéristiques de l’autodétermination
Selon Wehmeyer (professeur d’éducation spécialisée au Kansas), et Yves Lachapelle (Docteur en psychopédagogie), il existe 4 composantes de l’autodétermination :
L’autonomie
L’autonomie est une des caractéristiques de l’autodétermination. La personne peut faire des choix, exprimer ce qu’elle préfère, prendre des décisions en fonction de ses valeurs, ses désirs, etc. Elle prend conscience de ses ressources personnelles pour pouvoir se faire aider dans la mise en place de ses projets. Cette autonomie est plus facile à acquérir si l’environnement dans lequel elle évolue collabore, et l’aide à avancer, ne se contente pas de faire à sa place.
L’autoréalisation
Elle a conscience de ses atouts, mais aussi de ses fragilités, et comprend comment elle fonctionne. Elle accède à la connaissance de soi et est capable de faire les choses par elle-même.
L’autorégulation
Elle apprend à s’adapter aux situations qu’elle rencontre, elle tire les leçons de ses expériences pour progresser. Elle sait accepter les conséquences de ses choix. En trouvant des solutions à ses problèmes, elle apprend à faire face aux obstacles. Elle est capable d’analyser l’environnement dans lequel elle évolue et ses capacités personnelles avant de prendre ses décisions. Elle détermine ainsi les étapes à réaliser pour faire aboutir son projet.
L’empowerment psychologique
Elle a conscience de ses compétences et sait faire la différence entre les conséquences liées à ses actions et celles liées à des facteurs indépendants. Elle sait reconnaître ses réussites, mais aussi ses échecs. L’empowerment psychologique participe à la construction de la confiance en soi et permet de découvrir en faisant des expériences.
Les éléments permettant à l’autodétermination de se manifester
L’autodétermination n’est pas uniquement la capacité à faire des choix ou à prendre des décisions. Elle suppose également de pouvoir concrétiser ces choix, de les évaluer, et d’en accepter les conséquences.
Le développement de ces capacités d’autodétermination dépend donc de 3 éléments :
- des ressources personnelles de l’individu ;
- des opportunités liées à l’environnement : Par exemple, une personne avec une déficience intellectuelle peut plus aisément développer son autodétermination si elle évolue dans une famille qui l’encourage ;
- des modes de soutien proposés à la personne.
Les étapes de l’autodétermination
Il existe plusieurs étapes pour accéder à l’autodétermination :
- la personne a un projet, qui peut être de trouver un logement, par exemple ;
- elle entre dans une phase d’observation, de recherche : elle regarde si elle a le budget suffisant pour y accéder, par quel organisme ou professionnel elle peut se faire accompagner, etc. Elle prend donc connaissance d’éventuels freins à son projet, des risques, mais aussi de ses capacités à l’accomplir ;
- elle réfléchit aux possibilités qui s’offrent à elle et recherche la direction à prendre : un logement autonome, un foyer, etc. Elle étudie les différentes options, et programme ses actions ;
- elle met son projet à exécution en intégrant un logement. L’accession au logement peut se passer pour le mieux, mais parfois, la personne a rencontré des difficultés. Elle doit en prendre conscience et en tirer des enseignements pour réadapter son action.
Au cours de ces étapes, le professionnel adopte une écoute active, s’adapte aux souhaits de la personne. Il l’accompagne dans ses aspirations, mais aussi dans ses éventuelles déceptions (par exemple, l’impossibilité de louer un hébergement dans le quartier qu’elle souhaite, car son budget ne le permet pas). Il l’aide à persévérer.
Les obstacles à l’autodétermination
Il n’est pas toujours facile pour les professionnels du secteur social et médico-social d’adapter leurs interventions aux particularités et capacités des personnes qu’ils accompagnent.
Le problème de la sécurisation des personnes accompagnées
Parfois, le travailleur social peut être amené à réduire les choix des personnes qu’il accompagne pour des raisons de sécurité. Par exemple, il peut ne pas proposer de logement autonome parce qu’il sait que les troubles de comportement de la personne ne lui permettent pas de vivre dans ce type d’hébergement. De ce fait, les professionnels ont parfois l’impression de ne pas pouvoir favoriser cette autodétermination devant le peu de choix qui s’offrent à certains usagers.
Autre exemple : lorsqu’il s’agit d’une personne âgée devenant de plus en plus dépendante, certains professionnels peuvent avoir du mal à ne pas imposer leurs décisions parce qu’ils sont persuadés d’agir pour le bien de la personne accompagnée. Pourtant, si elle dispose de suffisamment de ressources personnelles, il est important de pouvoir respecter ses choix de vie. La réflexion éthique a toute sa place puisqu’elle est motivée par la reconnaissance de l’autre.
La responsabilisation excessive de la personne accompagnée
Il faut veiller à ne pas supprimer les accompagnements dont l’usager a besoin, au risque d’accroître sa vulnérabilité. Le professionnel doit rassurer par sa présence et veiller à ce que l’accompagné prenne des décisions en adéquation avec ses capacités.
Une connaissance de soi fragile
Certaines personnes, notamment celles souffrant de déficience intellectuelle, n’ont pas une connaissance de soi suffisamment élevée pour pouvoir s’autodéterminer. C’est pourtant la connaissance de leurs atouts et de leurs déficiences qui permet de faciliter cette autodétermination. Les personnes sont souvent assistées depuis leur naissance, surprotégées, elles n’ont donc pas développé leurs aptitudes personnelles, et restent ainsi fortement dépendantes des travailleurs sociaux qui les accompagnent.
Le désaccord de la famille de la personne accompagnée
Parfois, les familles des personnes accompagnées (notamment, les personnes avec déficience intellectuelle) sont réticentes à l’autodétermination, car elles ont peur pour leur sécurité et ont ainsi tendance à les surprotéger. Lorsque les désirs de l’usager et ceux de sa famille divergent, il est très difficile pour les travailleurs sociaux d’encourager les décisions de la personne accompagnée. Il est alors nécessaire qu’ils travaillent avec les familles pour leur faire prendre conscience du potentiel de la personne et des bienfaits de l’autodétermination.
Les tensions entre les acteurs impliqués dans l’accompagnement de la personne
Il arrive que les différents intervenants n’aient pas la même approche de l’autodétermination. Ils ont une vision distincte des capacités de la personne, ce qui nuit à un accompagnement efficace pour favoriser cette autodétermination.
Les méthodes employées par les professionnels pour aider les usagers à accéder à l’autodétermination
Les intervenants du secteur social et médico-social disposent de plusieurs techniques pour soutenir l’autodétermination chez les personnes prises en charge :
Ils accompagnent les usagers au lieu de les prendre en charge
Le travailleur social s’adapte à la personne accompagnée. Dans l’autodétermination, c’est l’accompagnement du professionnel qui doit s’adapter aux besoins, volontés et capacités de l’usager, et non l’inverse.
Par exemple, il essaie de faire en sorte que les personnes en situation de handicap puissent vivre chez elles si elles le souhaitent, quel que soit leur degré d’autonomie.
Le professionnel doit aider la personne à évaluer les différentes possibilités qui s’offrent à elle ainsi que les risques potentiels. Il doit faire avec la personne, mais ne prend pas les décisions à sa place. Il ne la surprotège pas. Il peut l’aider à programmer ses actions et lui apprendre à demander l’aide dont elle a besoin pour y parvenir.
Le travailleur social permet à la personne accompagnée d’être actrice dans les démarches qu’elle peut être amenée à faire (accéder au logement, devenir parent, etc.). L’objectif est qu’elle acquière la confiance pour pouvoir contrôler sa vie.
Il l’aide ensuite à analyser ses réussites et éventuellement ses échecs. Il lui fait comprendre que les échecs font partie de la vie, et qu’ils lui permettent d’avancer. Dans son accompagnement, le professionnel l’aide donc à se responsabiliser, s’émanciper, et à prendre des risques mesurés. Il lui fait prendre conscience de ses forces et difficultés, mais aussi des conditions créées par son environnement (ses ressources, par exemple). En effet, l’environnement peut y être pour beaucoup dans la réussite ou non de ses projets.
Ils croient en les capacités des personnes qu’ils accompagnent
Les succès de l’autodétermination dépendent des notions que possèdent les professionnels en la matière, de leur faculté à appliquer ces principes dans leurs accompagnements. Mais cette réussite dépend également de leur capacité à mettre au jour les ressources personnelles des usagers.
De nombreux intervenants considèrent qu’ils ne sont pas suffisamment formés sur la question.
Ils travaillent avec les familles
Il est essentiel d’impliquer les familles dans le projet, et de les sensibiliser à l’autodétermination, car elles ont tendance à beaucoup sécuriser la personne concernée. Elles étouffent alors un peu ses ressources personnelles. Ce travail avec les familles est particulièrement important dans le champ du handicap où l’autodétermination est plus compliquée à mettre en place.
Ils collaborent avec tous les acteurs concernés
Les différents intervenants doivent travailler au développement d’une vision commune des ressources personnelles de la personne ainsi que des risques qu’elle peut encourir si elle fait tel ou tel choix dans son parcours de vie.
Ils aident à changer le regard sur les personnes accompagnées
La société a tendance à penser que les déficients intellectuels, les personnes âgées, n’ont pas les ressources nécessaires pour se prendre en charge, et que ce public doit être assisté. Les professionnels et les structures sociales et médico-sociales doivent contribuer à changer cette vision en mettant en valeur la puissance de l’autodétermination.
Ils participent à des groupes d’analyse de la pratique (GAP)
Il est important que le professionnel questionne régulièrement sa pratique et la confronte aux autres façons de faire de ses collègues. Grâce au GAP, il peut exposer ses difficultés, et rechercher des solutions avec l’ensemble des participants.
Ils se forment en continu
La formation à l’autodétermination est essentielle, car les professionnels ne disposent pas toujours des outils pour favoriser cette compétence chez les personnes qu’ils accompagnent. Il est donc important de les aider à mettre les connaissances acquises en pratique, de les conseiller sur la posture à adopter ainsi que sur les manières d’encourager le pouvoir d’agir chez la personne vulnérable.
Chez Epsilon Melia, nous avons conscience des difficultés que peuvent rencontrer les professionnels du secteur social et médico-social lorsqu’ils aident leurs accompagnés à développer leurs facultés personnelles et le pouvoir d’agir sur leur propre vie. C’est pourquoi nous avons créé une formation spécifique qui les aide à repérer les compétences des personnes qu’ils accompagnent et favoriser leur autodétermination. Ce programme s’effectue sur 3 jours, en intra.
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